Le mutisme au cinéma (Milène Chave)

 Dernière addition à la page Bibliothèque sur Unspoken Cinema :


"Avant même l’arrivée du parlant, le cinéma fut colonisé par le verbe : la parole fut dès lors instrument du discours, guide du spectateur. [..]
Le sujet du silence nous a toujours fasciné car il touche à l’indicible, au non-dit. L’exclusion des mots qui, s’ils étaient prononcés, en réduiraient leurs sens, engendre une polyphonie du (des) sens en même temps qu’un pouvoir émotionnel fort. Elle est une capacité d’expression du langage très utilisée au cinéma. Dans cet univers d’absence de voix, le mutisme nous intéresse particulièrement : il nous renvoie à nos moments de doute, à ces instants où il est trop dur ou difficile de parler, où les mots ne semblent pas pouvoir exprimer ce qui est réellement ressenti. La richesse de ses significations et de ses utilisations permet au cinéma de mener le spectateur vers un travail d’intériorisation, dans un monde plus subjectif que pragmatique, où le ressenti prime sur l’intellectualisation des choses. [..]"

"Le mutisme comme élément du langage, comme révélateur, comme libérateur d’un discours parfois trop guidé, nous a mené à nous poser les questions suivantes : Comment se définit-il ? Quelles sont ses formes au cinéma ? Pourquoi les cinéastes choisissent-ils ce procédé ? Quels en sont ses effets ? [..]"

"Parce que le cinéma a la possibilité de montrer des êtres humains, évoluant dans une société, il a la possibilité de nous montrer ces êtres humains dans le doute, la peur, la joie, et dans toutes sortes d’émotions. Le mutisme peut être un choix du réalisateur de nous montrer des personnages en crise, ou des personnages « différents ». Ce choix peut être aussi celui d’une esthétique : montrer des personnages que l’on n’entend pas, que l’on voit parler, mais dont les paroles sont masquées, pour toutes sortes de raisons, allant de l’inutilité de faire entendre des propos, à l’intention de faire passer les émotions par d’autres vecteurs que la parole, tels que la musique, le mouvement, le rythme par exemple. [..]"
Milène Chave ; 2009 ; thèse ENS Louis Lumière

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