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Showing posts from November, 2010

Représentation du temps

"Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique : les passions que nous ressentons le dilatent, celles que nous inspirons le rétrécissent, et l'habitude le remplit." Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs ,  1919 "Le cinéma est le premier appareil qui tente de nous faire voir des différences de temps, non plus transposées en terme d'espace, mais représentés en valeurs de temps." Jean Epstein, in Esprit de cinéma ,  1955 "Car le temps n'est pas toujours représenté par l'encombrement d'une mémoire, la mise en ordre d'une expérience. Il est autrement perceptible dans l'espace invisible qui met l'image à distance." Gaëtan Picon, in Admirable tremblement du temps , 1970

Nuit noire sur l'écran de cinéma

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Uncle Boonmee (2010/Weerasethakul/Thailand) avant que Tong n'éteigne la lumière afin que les fantômes voient mieux Semih Kaplanoglu éteint aussi la lumière dans Bal (2010), lorsque Yusuf se retrouve seul avec sa mère dans la cuisine, un autre repas sans son père. Yusuf s'amuse avec l'interrupteur électrique, pour agacer sa mère, rejouant le stade infantile de la disparition-apparition. Il n'y a point de réponse à trouver sur l'écran. On peut bien éteindre l'écran, et le film continue. Le spectateur doit se fier à ses sens, ressentir l'expérience du film, même privé des indices visuels. Les personnages à l'écran sont toujours là, même si on ne les voit plus, ils sont présent dans la pièce, avec nous dans la nuit. Pousser la tolérance du spectateur à ses limites. On vient pour voir la lumière à l'écran et ces cinéastes nous plongent dans l'obscurité la plus totale. C'est évidemment un geste provocateur de la part de ces cinéastes. Une

Regarder (Desgoutte)

Énonciation  visuelle A la source de tout langage il y a le moment d'alternance ou de ponctuation qui fonde simultanement le sujet dans sa double fonction intersubjective (Je/Tu) et l'objet dans sa position tiers (Il), figure investie de la charge sémantique. Ce moment, aisément identifiable dans l'échange verbal, est tout aussi manifeste dans l'échange visuel. Le sujet donne à voir comme il donne à entendre. Si le dialogue est un échange de propos, il est aussi échange de regards et de points de vue. La ponctuation des regards accompagne l'alternance des paroles. La proposition verbale (la phrase que Benveniste décrit comme étant l'unité de la linguistique de l'énonciation) trouve ainsi son parallèle dans le regard, défini comme l'unité de ponctuation de l'échange visuel. Regarder, c'est constituer l'autre en image. L'image est la mémoire du regard. Elle se caractérise à la fois par un point de vue - le point de vue du sujet - et pa

L'appel du vide

Le cinéma est un rituel d'apparition et de disparition. Par définition, il rend visible. Mais c'est pour mieux jouer sur ce qu'on ne voit pas, sur ce qu'on ne voit plus et qu'on ne verra peut-être jamais : puissance inquiétante du hors-champ, impact obsédant de l'absence - et son corollaire de chair, l'absent - sur l'action présente. En aval, il y a toujours le masochisme constitutif du spectateur qui vient pour mieux voir, autant que pour désirer voir et souffrir de n'avoir pas vu. Celui-là sait mieux que quiconque combien sa pulsion scopique est stimulée par le vide, le flou et l'incertain : "Tout est précieux, tout manque. Là est la force du film. [..] L'effet mais pas la cause. La cause mais jamais l'effet; le spectateur sait tout; il n'a besoin que de fragments." Alain Cavalier, Libera me , 1993 Confiance du cinéaste à l'égard du spectateur dont il pressent bien la capacité à se raconter les histoires que l'o

MU

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