La contemplation d'Aran (Flaherty)


L'invention de la mise en scène (1994/Gilles Delvaux, Pierre Baudry/France)
à propos de Man of Aran (1934/Flaherty/UK)
"L'île n'a pas d'extérieur. Elle est le monde rendu présent.
Entrer dans l'univers de l'homme d'Aran, c'est entrer dans un monde très ancien, cosmos vivant, organique, constament en mouvement, dont l'homme fait partie.
L'image du regard insistant de la femme ne nous désigne pas seulement le hors champ où son mari est habituellement en danger. Il ouvre sur cet autre hors champ, illimité, qu'est le monde considéré comme Tout. Comment donner forme a cette vision d'une harmonie à la fois immuable et implacable, entre l'homme et le Tout. Et pour qu'une telle célébration soit possible, ne faut-il pas supposer un accord essentiel entre le cinéaste et le monde?
Cet accord, qui autorise à parler de contemplation, ne saurait se traduire de manière directe. La contemplation ne s'exprime pas, dans l'Homme d'Aran, à travers cette esthétique du plan long, qu'étrangement, beaucoup ont cru y voir. La contemplation n'est pas ici une disposition naturelle du regard. Elle n'est pas quelque chose qui puisse être capter et enregistrer, elle doit être produite. C'est l'hyperfragmentation du montage, qui en poussant l'effet d'ubiquité à sa limite, donne le sentiment d'une simultanéité généralisée. Les fragments sont autant de points de vue d'un regard démultiplié, disloqué, sans ancrage.
Flaherty ne veut pas "cette" tempête, il veut LA tempête. Il ne veut pas la perception immédiate, mais ce qui dépasse l'imagination. Et si le film atteint peut-être au sublime, c'est dans cette tentative de rendre sensible au spectateur un espace et un temps litéralement démesuré."
extrait du documentaire : L'invention de la mise en scène (1994)



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