Kaplanoglu, Rimbaud, Zen

Semih Kaplanoglu : Pour Miel, j’avais besoin d’une forêt sauvage avec une production artisanale très développée, qui renvoie au début de l’humanité. Il y a des constantes, comme la campagne que j’aime, dont je m’inspire et où je me sens heureux. Je peux passer plusieurs jours dans une forêt sans avoir besoin de personne ni de rien.
Je connais bien la forêt tant sur le plan visuel que sonore. Nous y sommes restés deux nuits avec l’ingénieur du son. Il m’a alors dit que c’était la première fois qu’il entendait les vrais sons des oiseaux. Ils passaient au-dessus de nos têtes malgré la hauteur des arbres. [..]
La vie en Turquie est essentiellement rurale, et c’est la nourriture de mes films. Je suis arrivé au cinéma grâce aux poètes turcs, à Rimbaud – j’ai lu sa biographie contant ses problèmes avec sa mère et je sais qu’il faisait de très grandes promenades dans la nature et allait de Charleville à Paris à pied – et aux poètes japonais. Bashô a écrit le récit d’un voyage de trois ans dans lequel il décrit la nature, les saisons. Avec une sérénité extraordinaire.
Q: Quel est le rapport entre les poésies japonaise et turque ?
Semih Kaplanoglu : Le zen. Notre pays est laïc, mais cela ne doit pas annihiler le passé et les rituels religieux. Je redécouvre actuellement notre culture soufi à travers le silence. Et grâce à René Guénon, je peux m’en nourrir. Ainsi, je comprends mieux les Japonais, les Indiens et certaines cultures d’Afrique du Nord, et je pense que nous pouvons amener le cinéma vers des formes nouvelles. Les cinémas iranien, taïwanais ou chinois reviennent vers cette tradition-là. L’ouverture devient alors planétaire. Ceci permet d’aborder la mort avec une douceur qui vient de l’Orient. Nous avons besoin d’être apaisés. J’ai vu un film américain [Inception] dans lequel le rêve se transforme en outil pour faire un cambriolage. Dans notre culture et pendant sept cent cinquante ans, les soufis ont écrit leurs rêves, convaincus qu’ils portent le message de Dieu, pour essayer de leur donner un sens. Nous avons besoin de beauté. C’est pourquoi l’art existe. Nous devons ouvrir notre cœur et en faire entendre la voix. Quelle que soit notre religion. Un film est comme une prière, de l’ordre du sacré.
interview par Michèle Levieux, L'Humanité (22 Sept 2010)

Je trouve insuffisant, limité, un art où manque la spiritualité. Pour moi un plan doit rendre sensible l'existence de l'invisible; et de la beauté. Je souhaite que mes personnages découvrent la beauté et l'âme qui soufflent en eux et les portent en ce monde depuis leur naissance. 

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