Winter Vacation (Thirion)
Locarno #63. L’année 0.P. [= Olivier Père, nouveau directeur du festival]
Antoine Thirion, 31 août 2010, Independencia
"[..] Winter Vacation du Chinois Li Hongqi, Léopard d’Or 2010, a été présenté comme la « comédie la plus lente de l’histoire du cinéma ». [..]Winter Vacation est hélas loin d’être à la hauteur de son accroche. Certes, il fait son petit effet. Question comédie et lenteur, il est plus proche d’Albert Serra que d’Elia Suleiman – donc pas encore daté. Des grappes de personnages se croisent dans des photos panoramiques, se tiennent en respect ou s'ennuient, s’insultent, se filent des baffes et semblent attendre qu’on veuille bien leur dire à quoi jouer, bref : slapstick chinois, comique de masques, direction ludique et volontairement indécise.La structure du film est tout aussi élémentaire. Chaque séquence cible une génération : enfants, adolescents, oncles, parents, grand-parents ; la boucle est bouclée par d’insistantes scènes d’incommunicabilité entre les premiers et les derniers. Dans une salle tétanisée par le silence et l’immobilité, un visage frippé contre un autre poupon suffit à détendre. Li ne se prive pas d’exploiter jusqu’à la corde cet humour pince sans-rire.Ces vacances sont celles du nouvel an chinois. Au loin, de nombreux pétards le laissent entendre. Les écoles et les usines sont fermées. On croit même percevoir un peu de bleu dans le ciel temporairement libéré des fumées industrielles. Le film profite de ce moment d’oisiveté pour enfiler une brochette de paradoxes : celle d’une classe moyenne dans un quartier de baraquements fantômes ; celle des nouvelles panoplies occidentales dans les ruines du collectivisme.La surprise initiale cache un terrible conformisme. Quelques brusques écarts dans une programmative lenteur ciblent le problème : ce rythme devrait en lui-même servir d’argument comique. On y est et on s’en moque, confortablement vautré au milieu du gué. La lenteur devient un simple boulon comique, voire pire, un objet de dérision. De comédie lente à comédie sur la lenteur il n’y a qu’un pas, et deux pour mener à une comédie sur le cinéma lent – la dernière chose qu’on ait envie de voir. D’une part on manque d’humour, mais on a surtout d’autres choses à faire. Aller par exemple voir Pig Iron de Benning - court réalisé dans la région de Duisburg, en même temps que Ruhr, pour les besoins des commandes annuelles du festival coréen de Jeonju – et voir si ce n’est déjà fait que la lenteur est une affirmation fertile et émancipatrice pour le spectateur et pour le cinéma ; pas la posture bourgeoise que quelques nouveaux démagogues font mine de combattre."
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