Turbulence and Flow (Y. Biro)

Book Review of Yvette Biró's Turbulence and Flow in Films (Le Temps au cinéma) 2007
Read excerpt at Unspoken Journal (on Tarr Béla), My comments on this excerpt at the Unspoken cinema blog, and the essay by Edwin Mak at Unspoken Journal.


Book review by Michel Estève, editor of "Etudes Cinématographiques" :
Remarquable par l'érudition et la culture cinématographique qu'il manifeste, l'essai d'Yvette Biró est profondément original dans la mesure où il renouvèle l'approche traditionnelle de l'examen du temps au cinéma.

L'auteur commente, bien entendu, méthodiquement avec intelligence et sensibilité, les procédés narratifs classiques utilisés par les grands cinéastes pour transcrire le temps par le montage. Durée des plans. Rythme des plans. Rythme du récit, que le film joue sur le rythme rapide, accéléré - Fiancées en folie de Buster Keaton, Raging Bull de Martin Scorsese (où la rapidité suggère un effet de choc et de violence) - ou, au contraire, sur un rythme lent : In The Mood For Love de Wong Kar-wai, Stalker de Tarkovski ou les longs plans-séquence de Théos Angelopoulos qui semblent étirer le temps. Liens noués entre la vitesse et la lenteur, le présent et le passé (Hiroshima mon amour d'Alain Resnais, La Jetée de Chris Marker), le réel et l'imaginaire (Le Locataire de Roman Polanski et Mulholland Drive de David Lynch).

L'essai d'Yvette Biró, et c'est en cela qu'il est profondément original, met aussi très en relief les transpositions indirectes du temps qui donnent vie au film. Trois chapitres sont consacrés à cette technique : le chapitre 3, "Structure polyphoniques du récit", le chapitre 4, "Détours" et le chapitre 6, "La répétition". Dans le chapitre 3, l'auteur étudie la mise en abime d'histoires parallèles et convergentes, liées les unes aux autres, dans un récit choral : Nashville, Un mariage et Short Cuts de Robert Altman. Le chapitre 4 nous suggère comment le rythme du récit peut-être lié aux digressions (les films d'Antonioni, Fargo des frères Coen) ou au ralentissement de la narration, des éléments extérieurs apportant "une qualité nouvelle et une nature temporelle intrinsèque" (p.87). La répétition (chapitre 6), à l'inverse de l'ellipse, peut également transcrire le temps dans la mesure ou le retour d'images ou de situations déjà vues n'est pas simple redondance (Ozu, Rashomon de Kurosawa ou Le Procès de Jeanne d'Arc de Bresson).

La Qualité de cet essai tient à la finesse et à la profondeur des analyses thématiques et esthétiques qui nous font découvrir le secret de l'esthétique d'un film. Je pense en particulier aux commentaires remarquables de Elephant de Gus Van Sant, de La Jetée ou du Miroir de Tarkovski.
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Lettre of Pierre Sorlin to Y. Biró
Votre Livre m'a passionné et m'a beaucoup impressionné. Vous naviguez avec une extraordinaire agilité, qui n'enlève rien à votre précision, d'un film à l'autre, vous créez un prodigieux kaléidoscope d'impressions, les idées s'enchaînent aux films qui s'appellent, se répondent, s'étirent en spirale. En très peu de mots vous tirez d'une allusion l'inflexion qui nuance et complète. Vous approchez l'énigme du temps mais vous ne tentez pas de la percer, vous lui laissez sa charge d'incertitude. Notre temps n'est pas celui d'hier, ni dans sa mesure ni dans la manière dont nous l'éprouvons, comme le temps des jeunes n'est pas celui des personnes d'âge. Le cinéma, plus même que la musique, nous place dans le flux du temps, il n'existe que parce qu'il s'écoule, d'une inexorable régularité dans sa mécanique, capricieux et divers, vous le montrez parfaitement, dans sa manière de faire travailler notre imagination. Avec d'étranges faiblesses, des buttées sur des obstacles qu'il ne sait pas franchir. La simultanéité lui échappe, il ne peut montrer ensemble deux événements concomitants. Il ne peut guère (je dirais volontiers pas du tout) se plier à la durée de l'horloge, les films qui prétendent le faire, cléo de 5 à 7, Jeanne Dielman sont obligés de tricher - la tricherie est même un élément du plaisir filmique, une ruse que le spectateur se plaît à déjouer. Tous les mécanisqmes que vous analysez avec une étourdissante maîtrise visent simplement à transformer en un non-temps, en une temporalité ludique l'inexorable écoulement du temps de la projection. Vous mettez votre lecteur en face de ces tours de force que sont les films et vous le forcez à s'interroger sur sa pratique d'observateur muet, c'est un remarquable travail maïeutique et je vous suis reconnaissant de m'en avoir fait bénéficier. [..]
Pierre Sorlin est professeur emerite à l'Institut de Recherche Cinématographiques et Audiovisuelles de l'université Paris III Sorbonne Nouvelle. Enseigne à l'Ecole Normale Supérieure de Paris.

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Préface par Michel Ciment (rédacteur en chef de Positif) dans l'édition française :
L'anecdotique n'est pas le fort d'Yvette Biró. Critique et théoricienne du cinéma d'une haute exigence, elle s'est imposé en Europe et aux Etats-unis par des essais fondamentaux qui concernent aussi bien les amateurs de cinéma que les chercheurs et les étudiants.
son nouvel ouvrage Le temps au cinéma, turbulence et apaisement aborde un thème qui a été central pour le 7e Art dès ses origines mais qui nous concerne aujourd'hui plus que jamais : celui du temps.
Yvette Biró dans une série de chapitres magistraux - à la fois complexes et dépourvus de tout jargon - aborde toutes les facettes de cette problématique, aussi bien esthétique que philosophique.
Dans le cinéma contemporain les œuvres dominant sur le marché priviligient la vitesse, le rythme rapide, le montage court. L'auteur met en valeur un autre cinéma de résistance, cinéma du silence, de la contemplation, de la rêverie qui va de certaines réalisateurs asiatiques à Angelopoulos, Kiarostami, Wenders, Kieslowski, gus Van Sant ou à ses compatriotes Béla Tarr et Miklós Jancsó.
En ce sens son livre est une contribution essentielle sur un courant majeur de l'art contemporain.

Comments

HarryTuttle said…
Added : forewords to the French edition by Michel Ciment.

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