Il faut attendre... (Bartas)

Le dernier film de Sharunas Bartas (dans lequel il joue le rôle de Gena) :
 Indigène d'Eurasie / Eastern Drift (2010/Sharunas Bartas/Lithuania/France/Russia)


"Ceux qui connaissent le cinéma du Lituanien Sharunas Bartas seront peut-être surpris. Par rapport à ses films précédents (Corridor, Few of Us, The House...), à leur mutisme radical, leur scénographie hallucinée, hantée par un désespoir qui se cogne contre les murs des maisons et résonne dans de sidérants tableaux de paysages, Indigène d'Eurasie marque un tournant. C'est un polar. [..]
Faut-il voir dans cette bifurcation la conséquence du raidissement d'un système de financement qui exige aujourd'hui des films qu'ils aient un scénario en bonne et due forme ? [..]
En s'engageant dans un cinéma plus narratif, Bartas n'a pas renoncé à son approche plastique. Ses longs plans-séquences sont toujours aussi puissants, aussi habités - par une mélancolie tranchante indissociable chez lui d'une conscience de l'Histoire, d'un point de vue fortement politique, mais aussi par sa propre présence physique, puisque pour la première fois de sa carrière, il interprète lui-même le rôle principal. [..]"


Extrait 1 (1'15")

"Indigène d’Eurasie, c’est un mix entre l’écriture que l’on connaît et que l’on aime du cinéaste lituanien (stases contemplatives, mutisme, plans au cordeau, humanité ruinée…) et le film noir que l’on connaît et que l’on aime tout autant (trafics, trahisons, femmes fatales, fuites, règlements de comptes…).
Au début, on craint que la singularité du cinéaste lituanien ne se dissolve dans un matériau cinématographique plus balisé sans pour autant remporter complètement le pari du genre. Et puis finalement, la mise est gagnante : alors que la vision de Bartas s’ouvre au récit et au classicisme, le film noir se reféconde au contact d’une mélancolie slave aussi puissante que rare dans un genre habituellement dominé par les corps et les lieux américains ou extrême-orientaux. [..]
A travers les péripéties de son récit noir, Bartas filme l’Europe de la mondialisation libérale et de la dislocation sociale, dans son style épuré et laconique habituel.
Au fil de ce road-gangsters-movie, il invente des plans à couper le souffle, mais d’une beauté plus vivante, moins statufiée que dans certains de ses précédents films. [..]"

"Le contemplatif cinéaste lituanien s'essaie avec brio au film noir", S. Kaganski (Inrockuptibles, 7 Dec 2010)

Extrait 2 (2'12")

"Le tout nouveau Bartas est un film qui revient de loin. Il suffit d’en compter les écorchures sur le corps et prêter un tout petit peu attention à cette forme particulière de silence qui en dit long sur l’intensité du chemin parcouru. [..]
Pur et dur. Bartas a suffisamment prouvé par le passé qu’il pouvait être notre homme : ses images ont toujours eu quelque chose d’immédiatement magnétique. On sait aussi que, depuis plus de dix ans, il butte contre ses propres facilités, contre une certaine complaisance auteuriste. On sait encore qu’il cherche à sortir de cette étiquette de grand Lituanien pur et dur. Elle l’encombre, elle ne lui sert plus à rien. Ce que veut Bartas en 2010, c’est communiquer. Ceux qui connaissent son cinéma, jusqu’ici taiseux, ceux qui appréciaient ses images somptueuses mais auxquelles on avait comme arraché la langue, savent combien pour atteindre cette communication il faut à Bartas se faire violence. Mais, comme la violence du monde est par ailleurs le sujet de ce film indigène, il y a, dirait-on, corrélation entre la forme et le fond, entre le désir de filmer et le constat à tirer. Désespéré, dans les deux cas. [..]"

"La ligne zone de Sharunas Bartas", Philippe Azoury (Libération, 8 dec 2010) 

Extrait 3 (2'13")

"Tout ce que je peux faire dans le cinéma, c'est montrer un peu l'existence humaine. Faire en sorte que le spectateur ressente et s'identifie aux personnages. [..]
Ce film inaugure pour moi une nouvelle periode. Cette fois j'ai voulu travailler à partir d'un scénario construit. Raconter une histoire. Avant il y avait un monde de silence et maintnant mes personnages parlent. Il me faut donc expérimenter de nouvelles façons de travailler avec les acteurs.
Dans le fond, la chose constante, et la plus importante, c'est que le plan ne soit pas assujetti  à la seule nécessité de raconter une histoire. Qu'il n'ait pas pour seule fonction de faire cheminer un récit.
Le plan doit être un tout, une unité pleine et entière, où la mise en scène s'articule autour du mouvement des êtres et des choses dans l'espace et le temps du plan. Que le plan suffise à lui-même, donc mais aussi qu'il nourrisse le récit. Ce sont ces deux injonctions que ce film devra conjuguer. La volonté de saisir une totalité de l'expérience qui est de vivre. [..]"

Sharunas Bartas

Extrait 4 (2'20")

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