L'expérience atmosphérique au cinéma (Hamonic)
"[..] Sokourov, en revanche, est un cinéaste qui semble privilégier une approche bien plus interventionniste sur ses propres images, au point, parfois, d’altérer visiblement notre perception de ce qui est représenté : la réalité filmique se plie au gré des manipulations plastiques. Nous l’avons entrevu avec le premier plan de Voix spirituelles, et cette approche est d’autant plus prégnante dans ses films de fiction — excluant ses essais et films expérimentaux dans lesquels la forme prend le pas sur ce qui est représenté. Sokourov appartiendrait alors aux « cinéastes qui croient en l’image », selon l’expression qu’emploie Bazin, mais plus encore, aux cinéastes qui fabriquent leur propre réalité filmique. [..]"
"[..] Mais l’exacerbation des formes stylistiques ne respecte pas à la lettre la prescription bazinienne : le
réalisme du « Slow Cinema » ne se conforme pas tant à la réalité objective qu’il ne la façonne, emploie le plan-séquence et la grande profondeur de champ pour en retirer un effet de distanciation, de défamiliarisation dans leur association avec l’excès de lenteur qui lui est caractéristique, attirant alors l’attention sur le geste filmique d’énonciation d’un monde filmique plutôt qu’en offrir une vision objectivante. [..]"
réalisme du « Slow Cinema » ne se conforme pas tant à la réalité objective qu’il ne la façonne, emploie le plan-séquence et la grande profondeur de champ pour en retirer un effet de distanciation, de défamiliarisation dans leur association avec l’excès de lenteur qui lui est caractéristique, attirant alors l’attention sur le geste filmique d’énonciation d’un monde filmique plutôt qu’en offrir une vision objectivante. [..]"
"[..] Nadin Mai, dans un acte de conférence intitulé « The Aesthetics of Slow Cinema », relève que les critères proposés par Matthew Flanagan et Benoît Rouilly (alias Harry Tuttle) reposent sur « des expériences relatives et ne peuvent ainsi être utilisées comme une définition universelle et adéquate de cette forme filmique » . Cette expérience, pensée sur la base de la lenteur vis-à-vis du « Slow Cinema » — jusque dans le choix de le qualifier par l’adjectif « slow » — est ce qu’étudie Jakob Boer qui distingue l’immobilité (« stillness ») de la lenteur : la première est une donnée objective d’un objet, la seconde comme l’expérience qui en est la conséquence possible. Le problème méthodologique qui émerge de la subjectivité de l’expérience spectatorielle se devine en ce que malgré tout, le « Slow Cinema » se nomme non pas en fonction de la donnée objective d’une immobilité — qui resterait à discuter — mais selon l’expérience de la lenteur. Benoît Rouilly propose quant à lui le terme de « Contemporary Contemplative Cinema », qui repose également sur une expérience contemplative. [..]"
Du visible à l'ouvert : l'expérience atmosphérique au cinéma, Thèse de Titouan Hamonic, 2024 (Sorbonne)
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